Histoire

« C’était comme un hôtel de luxe »

Le sanatorium de Lac-Édouard, isolé au cœur de la forêt mauricienne, a été décrit par ses pensionnaires comme un véritable havre de convalescence. Construit au début du XXᵉ siècle, ce refuge offrait des chambres baignées de lumière, des repas soignés, des jardins entretenus avec soin et une atmosphère empreinte de calme et de dignité. Bien plus qu’un hôpital, c’était un lieu pensé pour offrir aux malades un environnement aussi noble que possible dans leur combat pour la vie.

Entre ses murs, l’espoir respirait avec l’air pur des montagnes. Les longues galeries ouvertes, les vastes dortoirs aérés et les promenades en pleine nature répondaient à une conception humaniste du soin : celle qui croyait au pouvoir réparateur de la beauté et de la sérénité. Le sanatorium de Lac-Édouard n’était pas seulement un édifice ; il était un monde en soi, un refuge contre l’oubli, où le temps semblait suspendu dans l’attente d’une guérison toujours espérée.

Photo d’archive montrant une salle de cure lumineuse du sanatorium de Lac-Édouard avec fauteuils et plantes.
Photo ancienne de la salle de spectacle et de projection du SAN, avec rangées de chaises et piano sur scène.

Un lieu dédié à la guérison par la nature

Un village auto-suffisant

Fondé en 1905, le sanatorium du Lac-Édouard fut le tout premier établissement de ce type au Québec, marquant une étape pionnière dans la lutte contre la tuberculose. Situé à une altitude de 400 mètres, son emplacement bénéficiait d’un climat réputé pour sa pureté, considéré comme idéal pour la convalescence des patients. Dès ses débuts, il se distingua par son confort et son luxe, attirant une clientèle fortunée en quête des meilleurs soins disponibles. À son apogée, dans les années 1930, le sanatorium accueillait plus de 225 patients et employait une centaine de personnes résidant sur place, formant ainsi une communauté autosuffisante et isolée.

Au fil des ans, le sanatorium du Lac-Édouard s’est érigé comme un véritable village au cœur de la forêt. Inspiré par les meilleurs établissements de santé du monde, on y construisit une vingtaine de bâtiments, chacun répondant à une fonction précise, dans un élan de soin et d’autonomie. Isolé du reste du monde et accessible uniquement par train, le site devait subvenir à tous ses besoins. À côté des pavillons de soins et d’hébergement, on trouvait un immense château d’eau, une chaufferie coiffée d’une haute cheminée, une grande buanderie, une école pour les enfants des employés, une infirmerie, et une chapelle majestueuse. Les infirmières vivaient à la Ruche, les réserves étaient conservées dans des caveaux souterrains, et une ferme, avec ses dépendances, assurait la production alimentaire. Les employés logeaient dans de belles habitations éparpillées sur le domaine. Même le divertissement trouvait sa place : au sous-sol de l’aile Couillard, une salle de spectacle luxueuse, avec un cinéma, avait été offerte par un célèbre metteur en scène de Broadway tombé amoureux du lac Édouard.

Photo ancienne en noir et blanc de trois jeunes filles se baignant à la source de la rivière Batiscan, avec le sanatorium visible au loin.

Quebec & Lake St-John Railway

En 1888, le premier chemin de fer à percer le nord du Québec atteignait les rives du Lac des Grandes Isles — que l’on appelle aujourd’hui le Lac Édouard. Suivant la majestueuse vallée de la rivière Batiscan, la ligne du Quebec & Lake St-John Railway ouvrait la voie à l’exploration et au développement d’un vaste territoire encore préservé. Comme au temps de la conquête de l’Ouest américain, le « cheval de fer » rompait l’isolement de régions qui n’étaient accessibles jusque-là qu’après de longues semaines de canot. Le long de cette voie nouvelle, des hôtels de grand luxe surgirent pour accueillir une clientèle avide d’aventures et de nature. Dès 1890, le Laurentides House au Lac Édouard et le Grand Hôtel Roberval au Lac Saint-Jean faisaient de la région un haut lieu du tourisme de plein air en Amérique.

L’arrivée du chemin de fer ne se limita pas à faciliter l’accès à ces territoires reculés ; elle fut le catalyseur d’un mouvement naissant de tourisme « outdoor » et d’aventure. Ce nouvel engouement pour la nature sauvage du Québec attira des amateurs de chasse et de pêche, principalement des Américains fortunés, qui louèrent de vastes étendues de terres pour y établir des clubs privés. Parmi ceux-ci, le Lake-Édouard Fish and Game Club se distingua rapidement comme l’un des plus réputés au monde, attirant des personnalités telles que Florence Ziegfeld. Le lac Édouard devint célèbre pour la taille impressionnante de ses truites, certaines atteignant des poids records, ce qui renforça sa renommée internationale. Nikola Tesla séjourna également dans la région, profitant de la voie ferrée pour explorer ces paysages pittoresques. Ainsi, le chemin de fer ne fut pas seulement un moyen de transport, mais le moteur d’une transformation culturelle et économique, positionnant le Lac Édouard comme une destination prisée pour les amateurs de nature et d’aventure.

Photo ancienne d’un train à vapeur de H.J. Beemer (Quebec and Lake St John Railway) avec conducteurs et ouvriers posant devant la locomotive.

Les Canadian Adirondacks

Avec l’arrivée du train à vapeur en plein cœur de ces paysages sauvages, une vague de touristes étrangers afflua, menée par les riches familles de la Côte Est américaine. Séduits par l’immensité des forêts boréales, ils surnommèrent la région les Canadian Adirondacks, en écho aux montagnes qu’ils connaissaient chez eux. Chaque été, ils venaient chercher l’aventure : pagayer de lac en lac, dresser leurs tentes sous les étoiles, pêcher les plus grandes truites mouchetées. Le Lake Edward devint rapidement un territoire de légendes, où les exploits de pêche étaient chantés par des troubadours comme Kit Clarke et Adirondack Murray. C’était l’aube d’un immense mouvement « outdoor » où la nature sauvage devenait le plus grand des luxes.

Ce phénomène s’inscrivait dans un mouvement plus large, inspiré par des figures comme Henry David Thoreau, qui prônait une vie simple en harmonie avec la nature, et William Henry Harrison Murray, surnommé « Adirondack Murray », dont les écrits ont popularisé le camping et la vie en plein air dans les Adirondacks. Leurs idées ont encouragé une élite urbaine à rechercher des expériences authentiques en pleine nature. Au Lac-Édouard, ces visiteurs fortunés trouvaient un refuge loin de l’agitation des villes, où ils pouvaient vivre au rythme de la nature, pêcher des truites de taille impressionnante et se ressourcer dans un environnement préservé. La région est ainsi devenue une destination prisée, vantée dans les grands journaux de l’époque, attirant une clientèle internationale en quête d’aventure et de tranquillité.

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