Au coeur de la forêt laurentienne boréale
Le SAN s’ouvre sur un territoire façonné par le temps, à la rencontre de la forêt boréale et des hauts plateaux laurentiens. Ici, la rivière Batiscan jaillit entre les conifères, le lac Édouard étend ses baies et ses îles à perte de vue, et le lac Florence-Ziegfeld borde la presqu’île historique du site. Forêts profondes, eaux scintillantes, reliefs doux : un paysage préservé, où la lumière filtre entre les cimes et où le silence semble appartenir au lieu depuis toujours.
À pied ou en canot, vous suivrez les anciennes voies d’eau qui reliaient les territoires d’autrefois. Le SAN partage aujourd’hui ce cadre naturel avec les huards, les castors, les loutres, les lynx, les ours, et avec un visiteur rare : le Martinet ramoneur, qui revient chaque printemps habiter la grande cheminée historique du site.

Respirer profondément, se déposer, faire le vide
La rivière des âmes
Sur le terrain du SAN, la rivière Batiscan prend sa source dans le lac Édouard, perché à près de 400 mètres d’altitude. Depuis des millénaires, ses eaux limpides tracent une voie naturelle entre les lacs, les forêts et les vallées, avant de rejoindre le grand fleuve Saint-Laurent. Jadis parcourue en canot pour relier les territoires de chasse et de pêche, elle garde aujourd’hui toute la noblesse d’une voie d’eau ancestrale.
S’aventurer sur la Batiscan, c’est glisser au cœur d’une nature vivante et préservée. Le long de ses méandres silencieux, des canards migrateurs fendent la surface, des loutres surgissent des berges, et les castors s’activent au pied des barrages naturels. Ici et là, le grand héron s’élève lentement dans le ciel, tandis que de grandes libellules bleues dansent au ras de l’eau. Avec un peu de chance, un orignal majestueux s’extirpe de la rive, ou un ours furtif traverse la lumière. Quelques heures d’immersion suffisent pour se sentir véritablement enveloppé par le territoire.
Un grand lac mythique
S’étendant sur plus de 30 kilomètres entre îles, baies secrètes et promontoires boisés, le lac Édouard règne au sommet des hauts plateaux laurentiens. Perché à près de 400 mètres d’altitude, il forme un vaste miroir d’eau pure, enveloppé par la forêt boréale. À l’arrivée du chemin de fer, la région connaît d’abord une période d’exploitation forestière, durant laquelle des bateaux à vapeur remorquent les billots sur le lac jusqu’à la scierie du village. Mais après le grand feu de 1903, la coupe de bois cesse progressivement, laissant toute la place au développement touristique.
Dès la fin du XIXᵉ siècle, le lac attire des pêcheurs et des aventuriers venus de loin, fascinés par ses eaux poissonneuses et la majesté de ses paysages. Les riches villégiateurs américains l’ont hissé au rang d’icône du plein air naissant en Amérique du Nord, alors que les truites mouchetées y abondaient et que les vastes étendues silencieuses nourrissaient l’imaginaire. Aujourd’hui encore, le lac Édouard conserve cet éclat rare : celui d’un territoire préservé, grandiose et vivant, où l’on vient chercher l’émerveillement simple d’une nature sans artifices.

L’inventeur du show business
Au sud de la presqu’île du SAN, un petit lac paisible porte le nom de Florenz Ziegfeld — icône américaine, pionnier du spectacle moderne et créateur des célèbres Ziegfeld Follies qui ont transformé Broadway. Séduit par le paysage du lac Édouard, il y acheta une île sur laquelle il revenait chaque été, jusqu’à la fin de sa vie. Il se lia d’amitié avec le Dr Couillard, directeur du sanatorium, et fit don au SAN d’une salle de cinéma, où les patients découvraient les films les plus récents, parfois même avant leur sortie officielle. C’est aussi depuis son camp au bord du lac qu’il dirigea à distance la mise en scène de la comédie musicale Show Boat, en envoyant ses directives à New York par télégramme.
L’étang voisin du bâtiment principal fut bientôt surnommé l’Étang aux grenouilles, après que Ziegfeld y introduisit des ouaouarons géants venus de Louisiane. À l’époque, ces amphibiens étaient vendus en conserve pour alimenter des élevages destinés à la vente de cuisses de grenouilles. Si l’expérience n’a pas laissé de traces visibles, la légende est toujours vivante : à la tombée du jour, on raconte qu’en tendant l’oreille, on peut encore entendre leur appel grave résonner entre les roseaux.

Le Martinet ramoneur
Chaque printemps, un oiseau en voie de disparition revient tournoyer au-dessus du SAN. Le Martinet ramoneur, discret et insaisissable, trouve refuge dans la grande cheminée de l’ancien sanatorium, où il forme l’un des rares dortoirs encore actifs au Québec. À la limite nord de son aire de nidification, cette colonie représente plus d’une centaine d’individus, soit une part significative des quelque deux mille martinets recensés dans la province.
Depuis plusieurs années, le SAN déploie des efforts concrets pour protéger cet habitat fragile. Seize nichoirs géants ont été construits sur le site, imitant la forme des anciennes cheminées utilisées par l’espèce. Quatre d’entre eux sont actuellement occupés, faisant du SAN un véritable sanctuaire pour ce petit migrateur. Des travaux de recherche ont aussi permis d’identifier, grâce à la télémétrie, des sites de nidification en forêt, notamment dans des chicots creux. Un petit espace d’interprétation et des capsules éducatives sont accessibles à la maison d’accueil pour mieux comprendre les enjeux de survie de cet oiseau rare, fidèle au lieu depuis près d’un siècle.