La ferme patrimoniale
Pendant la Première Guerre mondiale, l’armée canadienne a construit au sanatorium du lac Édouard une vaste grange-étable de style américain, aujourd’hui considérée comme l’un des joyaux du patrimoine agricole québécois. Remarquablement bien conservée, elle a été remise en valeur dans le cadre du projet du SAN, aux côtés de l’écurie et de la maison du fermier.
Autour de ce noyau historique, le SAN fait renaître une ferme enracinée dans le lieu et dans le temps. Le jardin des Soupirs refleurit avec ses plantes d’époque retrouvées, cultivées avec soin comme un hommage vivant. Les fraises, cultivées en altitude dans un climat exigeant, prolongent l’héritage en l’adaptant aux réalités d’aujourd’hui. Serres, potagers et plates-bandes fleuries accueillent les visiteurs, invités à cueillir eux-mêmes ce que la terre offre, au rythme des saisons. Une agriculture à hauteur humaine, inspirée du passé mais tournée vers l’avenir.

L’architecture agricole
Une des plus belles granges centenaires au pays
Le Jardin des Soupirs
Situé le long de l’ancienne Allée des Soupirs, ce jardin fleuri offrait jadis aux patients du sanatorium un lieu de marche, d’apaisement, et de retour progressif à la vie normale. Ils y participaient aussi à l’entretien des plates-bandes, dans ce qui peut être vu aujourd’hui comme une forme précoce de jardin thérapeutique au Québec. Abandonné pendant un demi-siècle, le jardin a été envahi par la végétation, jusqu’à presque se fondre dans la forêt boréale, avant que les équipes du SAN n’entreprennent un travail de fouille et de réhabilitation patient.
À ce jour, plus de trente espèces oubliées ont été retrouvées, multipliées, puis replantées dans leur habitat d’origine : scabieuses géantes, dianthus, ancolies, lys, achillées, chèvrefeuille… autant de témoins botaniques d’un autre temps. Ce jardin recréé tisse un lien sensible entre la mémoire du passé et les gestes discrets de celles et ceux qui, avec patience, ont tenté d’en préserver l’âme.

Des fraises au sommet
Sur les hauts plateaux laurentiens, à près de 400 mètres d’altitude, le SAN cultive des fraises dans un climat alpin qui ralentit leur croissance. Ce décalage saisonnier permet une récolte quand l’offre se fait rare ailleurs, valorisant une agriculture nordique pensée pour les marchés, y compris ceux des grands centres. Inspirée de pratiques agricoles alpines, cette approche de transhumance végétale — qui consiste à désaisonnaliser par le climat — donne des fraises d’exception, particulièrement grosses et sucrées.
Cultiver des fraises ici, dans un climat froid et en altitude, semblait improbable. Mais en misant sur les conditions nordiques — saison courte, grands écarts de température, longues journées — le SAN transforme les contraintes en avantage. Ce modèle, né d’un sol jugé peu fertile, montre qu’on peut faire mieux avec moins, et utiliser le climat comme levier. Il contribue à l’autonomie alimentaire du Québec, tout en inspirant d’autres producteurs. Ces petits fruits sont aussi à l’honneur dans la bière Mr. Martinet, brassée avec La Pécheresse de La Tuque, en hommage à l’oiseau protégé qui niche au cœur du site.

Une ferme vivante
À quelques pas du sanatorium, les anciens bâtiments agricoles ont retrouvé leur vocation. Petits fruits, légumes, fleurs et fines herbes y sont cultivés selon les saisons, dans un esprit de partage et d’apprentissage. L’autocueillette est offerte aux visiteurs, qui trouvent un plaisir particulier à se retrouver avant les repas pour cueillir des fruits et légumes frais.
On y vient pour récolter, goûter, apprendre, cuisiner. Les enfants découvrent le potager, les serres, les odeurs des plates-bandes fleuries. Ils croisent aussi les petits animaux de la ferme, qui redonnent vie au hameau agricole d’autrefois. À l’époque du sanatorium, une ferme complète assurait l’autosuffisance du village : serres de verre, couches chaudes, étable, laiterie… Aujourd’hui, ce modèle inspire encore nos efforts pour produire sur place des aliments frais et savoureux.